Auto entrepreneur : le chemin de croix vers la retraite

Actualité publiée le 06/12/2023 à 11h22
Auto entrepreneur : le chemin de croix vers la retraite

Les conditions de vie des travailleurs indépendants sont loin d'être faciles si l'on se représente le nombre de défis auxquels ils doivent faire face. Développement du chiffre d’affaires, pérennisation de l’activité par le biais de la communication ou tout simplement l’administration qui doit se faire au fur et à mesure du quotidien… L'inquiétude par rapport au droit à la retraite vient alourdir toutes ces pressions.  Le président de l’Union des autoentrepreneurs et des travailleurs indépendants, François Hurrel en dresse le tableau. 

Force est de rappeler de prime abord que le contrat social entre les Français, les partenaires sociaux et l’État garantit le droit à une retraite digne. La délicatesse du sujet se reflète dans les vives réactions auxquelles on a l'habitude d'assister à chaque fois qu'on touche de près à la question. Cela confirme le caractère primordial de ce volet pour la cohésion sociale.

 

Un manque de clarté

La réalité des travailleurs indépendants est également tout autre en ce qui concerne la retraite, comparé à celle des salariés ordinaires. En effet, les droits ainsi que le montant qu'ils pourraient toucher au moment de partir à la retraite peuvent aisément être connus de ces derniers. Pour cela, ils n'ont qu'à faire le calcul en recourant au simulateur. Cette possibilité est évidemment indisponible pour les indépendants. Il est malheureusement difficile de contredire le caractère plutôt opaque de la constitution des droits de retraite pour ces derniers.

Le fait est qu'en ce qui les concerne, ils ne peuvent avoir un aperçu de la validation de leurs trimestres. Cela rend impossible la réalisation de la simulation qui devrait normalement permettre l'estimation du montant de leur future pension. Cette situation s'explique d'une manière assez simple mais en même temps difficile à croire : l'incapacité de tout le monde à procéder à cette évaluation en raison du nombre important d'assiettes, des changements à l'endroit des cotisations ainsi que des pourcentages affectés au sein de ces mêmes cotisations. Sans compter les additions de retraites de base et les possibles retraites complémentaires. Tout cela rend quasiment impossible le calcul du montant auquel ils peuvent s'attendre une fois retraité.

La part des cotisations retenues de leurs revenus et destinée à la constitution de la retraite des auto-entrepreneurs reste inconnue. En effet, on n'a pas de réponse précise à la question : "après toutes ces années à cotiser, je vais toucher combien et quand ?". De ce fait, on est en attente urgente d'un travail en profondeur sur le sujet. Cela doit se faire par la collaboration de tous les acteurs qui doivent ainsi œuvrer à lever ce voile d'incertitude aussi bien administratif que social. Cela revêt une importance capitale quand on pense aux millions de travailleurs qui restent dans le doute et l'inquiétude par rapport à l’avenir. A défaut d'obtenir des réponses précises, 15 ans après la création du régime de l'auto entrepreneur, il est légitime de remettre en question la considération accordée à cette catégorie de travailleurs. On pourrait même parler d’une absence totale de respect à leurs égards. Faut-il rappeler la contribution sociale économique qu'ils apportent ? Rappelons en effet qu’ils sont producteurs de richesse au même titre que les salariés. Leurs activités génèrent plus de 5 milliards d’euros chaque année dans les comptes de l’État.

A priori, il y aurait des travaux du côté du gouvernement. Ceux-ci tendent à mettre en place un projet pour recalculer la part des cotisations retraite que les auto entrepreneurs versent dans leurs cotisations sociales globales. Bien que le projet témoigne d'une volonté louable et sérieuse, la détermination des droits qui sont déjà existants à l'heure actuelle est nécessaire pour prévoir ceux qui attendent encore la mise en œuvre. Cela est nécessaire dans la mesure où le projet en question envisage la mise en place de nouveaux droits surtout en termes de retraite complémentaire. Au quotidien, nous sommes en effet confrontés aux auto-entrepreneurs qui se posent la question sur le chiffre d’affaires qu'ils doivent atteindre afin que leurs 4 trimestres soient validés. Autres questionnements : quels seront les montants de leurs droits et de quelle manière le pilotage de leurs droits retraite pourra annuellement se faire ? 

Ils s'inquiètent en outre de l'âge auquel ils pourront se retirer de leurs activités professionnelles tout en se demandant la pension correspondante à cette retraite. Malgré la simplicité de ces questions, les réponses claires sont quasiment inexistantes. Et pourtant, un nombre important d’auto-entrepreneurs, ayant passé par le statut de salariés ou qui bien ayant la qualité de « slasheurs », ont une connaissance de leurs droits en ce qui concerne la partie salariale relative à leurs revenus.

 

En finir avec l'injustice

Nul ne pourrait contredire le caractère injuste de la non jouissance du droit à la préparation de son avenir. On ne saurait alors que souligner le trait d'urgence que revêt l'attribution d'une visibilité et d'une transparence à ces droits retraite. Cela doit même précéder la volonté d'opérer une réforme de l’assiette des cotisations ou encore d'envisager une augmentation de leurs montants, ou même de leurs ventilations entre retraite de base et complémentaire. Ce travail sera du ressort de L’Union des auto-entrepreneurs. Ce qu'il convient maintes fois de rappeler c'est qu'un grand nombre d'auto-entrepreneurs accumulent déjà une durée de carrière allant jusqu'à 15 années sous ce régime. Il y a aussi une part qui se trouve au moment même où ils vont faire valoir leurs droits à la retraite. Enfin, ce serait une erreur d'oublier que l'inscription au régime d'auto entrepreneur concerne chaque jour 3 500 Français.

Le moment est donc venu de redresser cette injustice touchant cette demande légitime. Celle qui pose la question sur la façon et le moyen avec lequel les travailleurs en questions devront placer leurs espoirs à l'issue de leur carrière professionnelle. On ne saurait plus tolérer qu'ils aient à subir les effets du système qui continue à faire valoir les discriminations envers les parcours professionnels. De là ressortent ceux qu'on juge à outrance comme étant "atypiques".

Pour comprendre le ridicule de cette situation ou le caractère infondé de l'incapacité actuelle de proposer une méthode de calcul simple des droits à la retraite par rapport à des cotisations versées, il suffit de rappeler les exceptionnelles avancées déjà en œuvre dans certains domaines. Ainsi, sommes-nous déjà à envisager l'avenir du lanceur Ariane 6 qui se trouve non loin de son pas de tir. Doit-on également rappeler que cela fait maintenant deux ans qu’un robot d’une tonne renvoie son et image venant de la planète Mars ? Bref, oserait-on ainsi dire que régler la question au sujet de la retraite des auto entrepreneurs est bien plus complexe que tout cela?