Crous : Les resto U peuvent ils survivre ?

Actualité publiée le 25/03/2023 à 11h19
Crous : Les resto U peuvent ils survivre ?

En février dernier, la proposition de loi sur le repas à un euro pour les étudiants a été rejetée. Cela a relancé la discussion sur la restauration universitaire des Crous. Les services qui découlent de ce modèle économique, relatifs à un territoire, sont de plus en plus sollicités. Ils font face à un certain nombre de défis.

Le nombre de repas distribués par les Crous via leurs services de restauration sociale s’élevait à 35 millions à l’issu de l’année dernière. Cela équivaut à une augmentation de 29% en une année. Ces chiffres démontrent à quel point dans ce contexte de crise économique, la disposition d’une restauration de qualité est importante et s’avère cruciale pour l’ensemble des étudiants.

Effectivement, ce sont des repas complets qui sont proposés à des tarifs sociaux de 3,30€ voire de 1€ à l’endroit des étudiants bénéficiaires de bourses et à ceux se démarquant par la précarité de leur situation. Notons qu’une hausse correspondant à 0,5 centimes de ces prix demandés par les restaurants universitaires des Crous- les RU- dans une période de 6 ans a été enregistrée. Néanmoins, depuis l’année 2019, une stabilité de ces tarifs a été notée.

La fermeture de nombreux points de restauration universitaire devient cependant problématique depuis les dernières années. Ce sont notamment les campus de Nancy, celui de Dijon et en outre celui de Bretagne qui sont concernés. Ce qui va advenir des resto U est ainsi à l’origine d’inquiétudes eu égard à cette tendance qui se profile. Toutefois, le Centre National des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) ne s’en montre pas déstabilisé pour autant. La direction du Cnous affirme en effet que dans l’ensemble le réseau des Crous va dans le sens d’une hausse de l’offre de restauration avec un passage du nombre de structure à 800 s’il était auparavant de 708 et ce dans la période allant de 2019 à 2023.
 

Les points de restauration rapide des Crous en évolution

Le nombre des points de restauration qui ont fermé en 2021 n'excédant pas ceux qui ont été ouverts, à savoir 10 contre 28. De plus, on a tenu à préciser que le motif des fermetures avait essentiellement trait à des travaux de rénovation ou d’extension. Par contre, les structures qui ont été ouvertes tendent vers la restauration rapide. Cette orientation des Crous a été relevée depuis environ sept et huit ans. La raison rapportée par la présidente du Cnous, Dominique Marchand, est la diminution progressive du laps de temps dont disposent les étudiants pour déjeuner. Elle visait donc à répondre à l’évolution de la vie estudiantine bien que la création de restaurants universitaires d’envergure se produise  en parallèle, à l’exemple de celui de Saclay.

D’après le Cnous, « Le modèle économique est consubstantiellement déficitaire. Chaque repas servi nous coûte, donc ça ne peut pas être un motif de fermeture. »

L’atteinte des objectifs avec 55% de places de restauration assises et 45% de places en restauration rapide était toute proche avant les bouleversements liés à la pandémie de covid-19. On a cependant observé un changement des attentes des étudiants à la suite de l’instauration des repas à 1 euro. D’après les termes de Dominique Marchand, un retour à la restauration classique, c’est-à-dire assise, est noté. Ainsi, elle assure que des évolutions ont des chances d’être menées au niveau de certains sites afin d’y apporter une réponse.
 

Rareté des fermetures des restaurants universitaires

En plus d’être rares, les fermetures ne s’apparentent pas à des dispositions exclusivement économiques. La présidente du Cnous insiste sur le caractère consubstantiellement déficitaire du modèle économique. Ce qui signifie que cette réalité ne représente pas une raison à l’origine d’une fermeture étant donné que d’emblée chaque repas servi leur coute.

Le système de restauration assuré par le Crous propose des repas qui ont une valeur unitaire environnant les 8 €. Ce tarif est permis par une centrale d’achat nationale. Ne rapportant pas d’argent, il fait l’objet d’un financement par subvention de service public de la part du ministère de l’enseignement supérieur. D’après le Cnous, celle-ci a atteint 222 millions d’euros avec une rallonge de 3 millions l’année 2022 et 5,3 millions pour 2023.
 

Zones blanches de la restauration sociale

Les resto U qui ont fermé pour travaux ont rendu très compliqué la situation dans laquelle se trouve les étudiants à midi. C’est ce que le secrétaire général de la Fédération syndicale étudiante (FSE), Nicolas a tenu à rapporter. Se rendre sur un autre campus est devenu nécessaire mais en conséquence celui-ci est rempli de monde obligeant à faire la queue et à attendre entre 40 mn jusqu’à une heure. Il arrive alors que les repas à 1 euro aient été épuisés. La solution mise en place, consistant en la mise en service d’une caravane mobile et de deux food trucks, pour se substituer au resto U, n’est pas suffisante par rapport au nombre d’étudiants. Le président du syndicat fait donc la demande de mesures compensatoires plus adaptées durant la tenue des travaux.

La réduction des portions au niveau de certains sites a par ailleurs été déplorée par la vice-présidente en charge des affaires sociales à la Fage, Apolline Dumar. Celle-ci ajoute le caractère essentiel des restaurants U des Crous, s’agissant de l’unique endroit où les étudiants peuvent bénéficier d’un repas chaud et équilibré à un prix plus accessible. L’étudiante a ainsi soutenu que ce service devrait être étendu aux autres lieux qui n’en bénéficient pas encore.
 
D’après le sénateur P.-A. Lévi, le nombre d'étudiants se trouvant en France qui n’accèdent ni à un resto U ni à un repas tarif conventionnel atteint les 500 000. Ils relèvent de ce que l’on peut qualifier de zones blanches où la restauration sociale n’est pas disponible. Réalité que dénonce le sénateur Pierre Antoine Lévi, personnalité élue du Tarn-et-Garonne.

L’exemple pris est le cas de Montauban où c’est seulement à midi que les étudiants ont accès à la restauration universitaire du lundi au samedi tandis qu’à Toulouse et à Paris, le soir et le weekend sont également pris en charge.
 

Bientôt la mise en place d’un ticket resto étudiant ?

La solution trouvée pour remédier à ces inégalités a été inscrite dans une proposition de loi consistant à la mise en place du « ticket resto étudiant ». Il s’apparente à un forfait utilisable au niveau des restaurants conventionnés dans la mesure où un point de restauration ne soit disponible. Cette proposition amenée par le sénateur fera l’objet d’un examen au sein du parlement pour les mois à venir.

L’élu a partagé être conscient du coût de ces mesures qui peuvent demander jusqu’à 400 à 500 euros annuel. L’impossibilité de construire des restos U partout est évident mais la considération doit être faite de tous les étudiants qui n’ont pas accès à ces structures n’étant pas en grande ville. Il précise : « Prendre en charge notre jeunesse, c’est essentiel surtout quand on voit la précarité chez les étudiants. »
 

L’intervention des associations d’étudiants

Les associations étudiantes recourent à l’aide provenant des Restos du cœur ou de la Croix-Rouge en vue de servir des repas. Depuis 2011, la Fage, en ce qui la concerne, a instauré les Agoraé correspondant à des épiceries sociales et solidaires auprès desquelles on peut trouver des produits proposés à 10% des tarifs de base.

Ce sont donc en fin de compte les associations étudiantes qui comblent les lacunes en matière d’aide sociale ainsi que des mesures étatiques. La non régularité constitue cependant le principal souci. Un quart des étudiants ne parvenait pas à assumer ses besoins de base selon les chiffres de 2020. Apolline Dumar souligne alors le caractère insuffisant des réponses gouvernementales apportées à ces problématiques auxquelles fait face la jeunesse. Elle partage la même déception que les autres syndicats d’étudiants devant le rejet de la généralisation du repas à un euro pour tous.