Prisons : un nouvel avis dénonce la surpopulation carcérale

Actualité publiée le 20/09/2023 à 15h14
Prisons : un nouvel avis dénonce la surpopulation carcérale

Un dispositif qui permet une maîtrise de la surpopulation carcérale devrait être inscrit dans la loi elle-même, d’après ce que revendique la contrôleuse des prisons. Cette requête a fait l’objet d’un avis qui a été publié le jeudi 14 septembre.

Les ministres de la Justice et de la Santé se sont fait interpellés par Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (Cglpl) via un nouvel « avis » dans le Journal officiel, le jeudi 14 septembre 2023. Elle a ainsi pointé du doigt l’inefficacité des mesures. D’après les informations partagées, un niveau sans précédent est atteint en ce qui concerne le nombre de population en milieu carcérale avec 74 237 détenus pour 60 629 places opérationnelles au 1er août 2023. En un an, c’est une progression de 3% qui est enregistrée en termes de densité dans les prisons de France.

Ce qu’elle revendique avant tout est donc une « véritable politique publique » puisque d’après elle, le fait d’augmenter le nombre de places de prison n’a aucun effet sur la réduction de la pression carcérale. De même, il faut noter l’inefficacité des alternatives à l’incarcération ainsi que des nouvelles modalités d’aménagement des peines. Que le dispositif qui permet la maîtrise de la population carcérale soit inscrit dans la loi représente également un combat qu’elle défend.

 

Un personnel épuisé, une détérioration générale

Plusieurs associations ainsi que des acteurs ayant des implications avec le milieu carcéral ont été rencontrés par Dominique Simonnot. Elle n’a raté aucun échange avec les organisations et syndicats de magistrats.  Le personnel pénitentiaire de direction ainsi que d’insertion et de probation n’ont également pas été omis. Mais encore, il y eut des médecins, des avocats et des associations œuvrant pour les droits des personnes détenues.

Résultat, en plus de la dégradation des conditions de détention, elle ne peut que relever cette triste réalité : le personnel est épuisé et l’ensemble du mobilier se détériore de façon rapide sans compter le caractère saturé de quasiment tous les services.

A part ça, on voit selon elle que le système pénitentiaire n’est ni capable d’assurer sa mission de réinsertion, ni de garantir le respect de la dignité et des droits des détenus. Le défaut de sécurité de ces derniers ainsi que celle des agents investis de leur surveillance en en outre relevé par la majorité. Cela laisse sans voix.

Devant ces circonstances, elle a fait le rappel de la condamnation régulière de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Le caractère indigne des conditions de détention qu’elle réserve à ses détenus en constitue le motif. Ces condamnations datent du 30 janvier 2020 et plus récemment du 6 juillet dernier.

A ce propos, elle avait donc lancé : « La Cour a recommandé à la France de prendre des mesures tendant à mettre un terme à la surpopulation et à améliorer les conditions de détention. Si un recours contre des conditions indignes a bien été inscrit dans le Code de procédure pénale, aucune suite sérieuse n’a été donnée à ses autres demandes ». Toujours d’après les explications de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, les personnes en détention se trouvent 20 heures sur 24 dans des cellules surpeuplées. Ces espaces d’une superficie ne dépassant pas un mètre carré sont tout ce dont chacun dispose. Comme ils ne font pas l’objet d’entretien, les bâtiments tombent en ruine et sont sales.

C’est donc une véritable généralisation des mesures de contrôle et de sécurité à caractère indigne qui s’instaure. Elle insiste sur la proscription de l’installation des matelas à même le sol. Doivent être revus les installations électriques, le système d’eau et de chauffage et l’humidité prévalant dans les cellules. A part cela, sont aussi à déplorer la non étanchéité des fenêtres ainsi que la prolifération des rats, puces et punaises.

 

Ce que doit être l’incarcération dans le système pénal

Dominique Simonnot rend compte en posant la question sur le rôle que l’incarcération doit jouer dans le cadre du système pénal. Elle fait appel à un recours massif aux peines alternatives à l’emprisonnement. Selon ses termes en effet, « la sécurité des personnes détenues n’est assurée, ni au regard des violences engendrées par la promiscuité et le désœuvrement, ni face aux risques d’incendie ; et les soins ne sont pas garantis, faute de moyens. »

L’avis du Conseil économique, social et environnemental, qui a fait l’objet d’une adoption en séance plénière le mercredi 13 septembre, rejoint ce constat de la contrôleuse. Il y est clairement précisé que les pouvoirs publics doivent « sortir de la surenchère pénale ».

Le Cese, nous renseigne que l’incarcération représente la peine de référence. A l’heure actuelle, 1/3 des sujets à condamnation et à détention sont concernés par des peines courtes. En même temps, par rapport à ce qu’il en était dans les années 80, la durée moyenne d’emprisonnement ferme a doublé. A 4,2 mois en 1980, on a eu 7,6 mois en 1995 contre les 9,7 mois (sans période de sursis) qu’on connaît aujourd’hui.

 

Mesures de résidence sous surveillance électronique devenues inexistantes

Le Cese n'aurait pu être plus clair quand il affirme que « la peine n’a pas de sens quand ses conditions d’exécution ne sont pas dignes ». Dans ce sens, la nécessité d’un nouvel examen de la liste des situations ou risques (critères) qui autorise le placement en détention provisoire est reconnue.  Plus encore doit être, la motivation de cette décision doit être renforcée et en ses termes mêmes « au-delà d’une simple mention du critère prévu par le code pénal) ».

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, avait rappelé une circulaire du 20 septembre 2022, lorsqu’il avait répondu à Dominique Simonnot via le Journal Officiel, le jeudi 14 septembre. Le circulaire en question était adressée aux parquets généraux qui ont été invités à porter une attention particulière à au caractère strictement nécessaire devant être appliqué par les parquets de leurs ressorts à la détention provisoire. Les concernés doivent ainsi privilégier des mesures de résidence sous surveillance électronique (Arse) et d’assignation à résidence sous surveillance électronique mobile (Arsem). Il était effectivement précisé que ces dernières restaient des mesures relativement peu prononcées.

Pour le ministre, la construction de nouvelles places de prison doit figurer en tête de liste des solutions de lutte contre la surpopulation carcérale. Il en a fait part dans ses observations qui ont été jointes à l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.