Réforme de la Police Nationale : Darmanin ne lâche rien

Actualité publiée le 06/03/2023 à 17h53
Réforme de la Police Nationale : Darmanin ne lâche rien

En dépit des trois rapports exécutifs et parlementaires émettant des critiques sur le projet de sectorisation et la manière dont il a été mis en œuvre, le ministre de l'Intérieur prévoit l’entrée en vigueur de la réforme avant les Jeux olympiques et paralympiques.

L’envoi du courrier s’est fait moins de vingt-quatre heures après la publication du dernier travail parlementaire à propos de la réforme de la police nationale. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a également envoyé la lettre à tous les agents, en la tweetant. Deux petites pages pour montrer un processus qui ne changera pas. Ceci malgré les critiques et les nombreux amendements dans trois longs rapports émit par le corps d'information des commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que  les inspections générales de l’administration de la police nationale et de la justice (IGA, IGPN et IGJ).

 

Du personnel à rassurer

Le projet de réforme a fait du département un niveau de référence pour les institutions en créant la Direction générale de la police nationale (DDPN). Ne convient pas à la délimitation dans de nombreuses affaires pénales. Cela préoccupe particulièrement les enquêteurs de la police judiciaire, qui sont chargés des affaires les plus graves et les plus complexes, ainsi que l'ensemble de l'appareil judiciaire. On apprend dans la lettre d'aujourd'hui comment le Ministère a répondu à ces réserves : avec la fondation des directeurs interdépartementaux de la police nationale (DIPN).

Les DIPN ne viendront des DDPN, dont les services de police judiciaire pourront être déployés dans les départements limitrophes. Dans une carte de ces services transmise aux médias, on comprend qu'un tiers des départements en disposent - des départements qui disposent déjà de services de police judiciaire qui s'occupent des "grands criminels". Le ministère a expliqué l'importance d'apaiser le personnel de la PJ qui s'inquiétait des réformes et de "laisser ces unités sans postes départementaux stricts".

Cette concession apparente, que Gérald Darmanin appuie de deux traits de plume en marge de la lettre, est en fait superficielle. Dans une lettre de novembre 2022 à l'Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), qui mène la rébellion, le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur avait assuré : « Il n'est pas envisagé de confiner le service de police opérationnel à des frontières sectorielles strictes.

 

Une réforme trop amitieuse et mal préparée

La seule véritable annonce du jour se lit entre les lignes de la lettre du ministre : si rien n'a été dit sur le calendrier de la réforme, c'est parce qu'il a été maintenu. La départementalisation devrait donc entrer en vigueur d'ici la fin de l'année (initialement prévue au 1er janvier 2023). Cependant, une mission d'enquête du Sénat a explicitement appelé à un moratoire avant les Jeux olympiques et paralympiques dans un rapport publié jeudi. Les rapporteurs Nadine Bellurot (LR) et Jérôme Durain (PS) ont en effet estimé que la réforme n'était pas bien préparée et qu'il y avait trop de changements techniques, juridiques, financiers et managériaux à mettre en œuvre en un peu plus d'un an. Le député LFI, Ugo Bernalicis, rapporteur de la mission d'information à l'Assemblée nationale, a également suggéré la même chose.

Quant à l'Inspection générale, elle a été plus polie en estimant que « la création de la DDPN était un effort global complexe qui s'inscrivait dans le cadre d'autres réformes structurelles de la police et s'inscrivait dans un calendrier délimité par le "temps" des Jeux Olympiques et des Paralympiques". Et de nombreuses propositions ont été faites aux réformateurs, leur cachant que la mise en œuvre du projet "devra être suffisamment rodée au niveau local". Cependant, à l'instar de la mission d'information, l'audit de l'inspection a constaté que les essais en cours dans plusieurs secteurs étaient insuffisants pour tirer des conclusions sur les réformes. Parce qu'elles ont été mises en œuvre dans des délais trop courts et dans un cadre légal et administratif inadaptées : ni les lois ni les règlements n'ont été modifiés pour permettre aux expérimentateurs de la DDPN de profiter pleinement de leurs nouvelles missions.

 

Où est la place des magistrats ?

L'IGA, l'IGPN et l'IGJ, ainsi que des députés, ont également prôné le développement du "dialogue social avec les salariés et les syndicats, ainsi qu'une communication adéquate avec les autorités judiciaires". Dans sa lettre du jour, Gérald Darmanin leur répond en quelques mots : « La doctrine qui travaillera sur le mode de fonctionnement de chaque filière fera prochainement l'objet d'une communication auprès des personnels et des organisations syndicales. Ce dernier continuera à participer à la mise en œuvre du projet sur une base mensuelle.

Étonnamment, aucune autorité judiciaire n'apparaît nulle part dans cette lettre. Le ministère de l'Intérieur a répondu que c'était parce qu'il était destiné à la police. Or, dans le cadre de l'enquête, c'est le magistrat qui a autorité sur eux.