MSA : découvrez le plan de prévention contre le suicide des agriculteurs

Actualité publiée le 30/10/2023 à 15h33
MSA : découvrez le plan de prévention contre le suicide des agriculteurs

La mortalité des agriculteurs peut avoir plusieurs origines. Le suicide en fait partie et se classe en troisième position. Un plan de prévention a été mis en place pour faire face à cette réalité inquiétante. Depuis 2011, cela s'est traduit par l'instauration de cellules d'accompagnement. Le programme en question accompagne à l'heure actuelle une centaine d'agriculteurs environ, dans l'ex Midi-Pyrénées.

 

Un taux élevé de mortalité en raison de suicides affecte les hommes exploitants agricoles!!

La vie d'agriculteur n'étant déjà pas de tout repos, la menace des différents aléas comme la grippe aviaire ou la sécheresse ne font que leur rajouter un stress supplémentaire. Plus récemment, l'apparition de la maladie hémorragique épizootique est venue alourdir davantage la pression. Cette situation est propice à la dépression et entraîne de plus en plus de suicides. D'après la présidente de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Haute-Garonne (FDSEA 31), les concernés en arrivent à ce point-là quand ils ne supportent plus les réalités auxquelles ils font face. Cela inclut aussi bien les difficultés économiques et professionnelles que personnelles.

Ainsi, le suicide touche tous les deux jours un agriculteur. Cela a pour effet de placer le suicide à la troisième place dans la liste des causes de décès dans ce secteur. Il vient tout de suite après les cancers et les affections de l’appareil cardio-vasculaire. Cela représente une situation notable quand on sait que la mort par ce moyen se situe à la sixième position pour le reste de la population en France.

Du côté des agriculteurs, il y a donc une tendance plus significative à mettre volontairement fin à leurs jours. En l'absence de chiffres plus récents, nous ne pouvons nous référer qu'aux données fournies par Santé publique France, il y 13 ans, c'est-à-dire en 2010. À l'époque, leur surmortalité par suicide dépassait les 20% et ce par rapport au nombre de population générale à l'année indiquée. Quoiqu'il en soit, l'exposition à ce risque n'est pas également partagée par l'ensemble des agriculteurs. Plus précisément, ce sont les hommes en charge de l'exploitation agricole, se situant dans la tranche d'âge de 45 à 64 ans qui sont davantage enclins à se donner la mort.

Encore plus particulièrement, cette surmortalité affecte surtout ceux relevant du secteur agricole et effectuant des activités d'élevage de bovins. Ainsi, les éleveurs bovins-viande et éleveurs bovins-lait dépassent les pourcentages de morts par suicide avec respectivement 57% et 47%. Ces taux sont à apprécier par rapport au nombre de la population française en 2009. Cette activité impliquant l'élevage d'animaux est présentée comme étant un facteur d'accumulation de pression supplémentaire.

 

Présentation du programme de prévention du suicide agricole

La lutte contre le phénomène a donné lieu à la mise en place d'un plan de prévention du suicide dans le monde agricole. Cela date déjà de 2011, comme nous l'avons évoqué plus haut. Il est l'œuvre de la Mutualité sociale agricole (MSA), le régime de protection sociale obligatoire des personnes salariées et non salariées des professions agricoles.

Depuis, chaque MSA dispose en leur sein de cellules pluridisciplinaires de prévention. L'objectif visé est l'identification au préalable des agriculteurs sujets à cet état de vulnérabilité. La présidente de la caisse MSA Midi-Pyrénées Sud, Laurence d’Aldéguier précise : « Celles-ci sont entre autres composées de médecins du travail, de psychologues, de travailleurs sociaux, de conseillers en prévention ». Ce qui permet aux cellules de déceler les réalités et difficultés vécues, constituant des facteurs potentiels de suicide, c'est grâce à leurs dispositions d'un réseau de sentinelles. C'est une trentaine de personnes dans l’ancienne région côtoyant des agriculteurs au quotidien qui œuvrent au niveau de celui-ci.

Une fois avoir effectué cette part du travail qui leur a été confiée, les sentinelles cèdent la place aux cellules d’accompagnement. A leur tour, ces dernières se chargent d'ériger un plan d’action « adapté à chacun » qui ressort évidemment de l'analyse de la situation de l'agriculteur, comme l'explique toujours la présidente de la caisse MSA Midi-Pyrénées Sud. Dans ce même ordre d'idées, l'orientation des personnes en difficulté vers l’action sociale est présentée comme le principe habituellement suivi. L'ouverture ou non des droits sociaux des concernés serait systématiquement vérifiée et une proposition d'aide au répit leur est faite. Cela se matérialise concrètement par le financement intégral de l'ensemble du salaire d'un remplaçant de l’exploitant agricole. Cela va permettre à celui-ci d'être ménagé sur un certain délai. D'après Laurence d’Aldéguier, cela peut aller jusqu'à la proposition de séances de sophrologie ou encore des consultations chez un psychologue. Des départs en vacances ou même des aménagements de cotisations sociales peuvent également être mis en œuvre.

Dans l'actuel, le nombre de personnes prises en charge dans le cadre d'un suivi par la cellule pluridisciplinaire de prévention de la MSA Midi-Pyrénées Sud avoisine la centaine. On en compte plus précisément 95. Ce chiffre pourrait atteindre les 120 compte tenu des épidémies menaçant l'élevage en plus de la sécheresse sachant que les sollicitations se multiplient en raison de ces réalités. C'est d'ailleurs face à ces situations de crise que la MSA a vocation à intervenir. Rappelons-nous la survenance au début de l'année de l’épidémie de grippe aviaire dans le Gers. C'est celle de Midi-Pyrénées Sud qui a pris soin de contacter tous les exploitants concernés par des zones de contrôle.

D'après Laurence d'Aldeguier, 240 personnes étaient concernées. Il s'agissait d'une opportunité pour les exploitants de partager leurs difficultés et de prendre part à des échanges à ce sujet dans le cadre de réunions.

En outre, un numéro d’écoute pour les agriculteurs en situation de détresse psychologique a été érigé en 2014. Il a été baptisé Agri’écoute et est donc venu fonctionner parallèlement aux cellules pluridisciplinaires. Faisant partie des dispositions prises à titre préventif, c'est une disponibilité de 7j/7, 24h/24 pour des dialogues anonymes qui sont accessibles à ceux qui en ont besoin.

Les écoutants ont été formés pour faire face à la gestion des situations de souffrance ou de détresse. Pour les 28% des appelants localisés en ex Midi-Pyrénées, la tranche d'âge se situait entre 41 et 50 ans en 2022. Il s'agissait dans la majorité de travailleurs de sexe masculin (52%). La proportion des éleveurs était quant à elle de 55%. Ceux-ci relevaient en partie de la région Haute-Garonne. Toutefois, ce ne sont pas tous les agriculteurs qui traversent une mauvaise passe qui pensent à  composer le numéro. Ainsi, une difficulté se dresse à l'établissement de contact avec ceux qui ne veulent pas parler, nous confie la présidente de la FDSEA 31.

 

Appel à une prise de conscience de l'État de la part de la FDSEA

Bien que les dispositifs de prévention du suicide dans le monde agricole disponible actuellement dont en quelques sortes appréciables, davantage de réactions sont attendues de part de l'État d'après Laure Serres. Elle estime en effet que la baisse du taux de suicide dépend de façon indubitable de la volonté politique allant dans le sens de la mise en œuvre d'actions de sorte que l’agriculture française soit mise en valeur. « La non considération » de leur profession est ainsi pointée du doigt par la présidente de la FDSEA 31. Elle décrit la situation en ces termes : « Nous nous endettons pour notre outil de travail, travaillons 80 heures par semaine et sommes payés la moitié d’un SMIC. Mais cela n’émeut personne ». Elle suggère alors de stopper la mise à l'index à défaut d'une meilleure considération. L’agribashing dont la profession est victime est largement dénoncée.

Le fait est qu'en plus du manque de considération, ils doivent faire face à la pression de la réglementation. Sont expressément citées, les "mesures européennes déjà contraignantes" qui se superposent à la norme française. En termes de dates, elle prend l'exemple du 15 octobre ou du 1er novembre avant lesquelles labourer est interdite. Il y a aussi la prohibition de l'usage de l’engrais avec azote jusqu'à la date du 15 janvier inclus. Est donc déplorée cette restriction toujours plus importante de leur liberté. Il s'agit d'une perte qui va dans le mauvais sens s'agissant de la liberté d'action. « Nous sommes des professionnels. Nous suivons des formations. Et pourtant, nous ne sommes pas libres d’exercer notre profession », voilà comment la responsable qualifie finalement cette réalité à laquelle ils font face.